Les 164 salariés actuels, dont quelques-uns travaillant uniquement à l’atelier de taille de Saint-Leu d’Esse­rent, se trouvent régulièrement en présence des plus beaux chefs-d’œuvre du patrimoine français. Officiant principalement à Paris et en Île-de-­France, ponctuellement en province, notamment avec son activité de sculp­ture via l’Atelier Chevalier, la société H. Chevalier a installé depuis 2015 son propre atelier de taille à Saint-Leu d’Esserent à deux pas des carrières. Dans le sud de l’Oise, la pierre est ex­traite et acheminée par voie fluviale depuis l’époque gallo-romaine.

Des carrières de l’Oise aux monuments parisiens

Les carrières sont située dans le bassin géologique sédimentaire de Paris, pourvu d’un large banc de calcaire tendre consti­tué sous l’ère tertiaire. Dès le Moyen Âge, la pierre de l’Oise est extraite en galerie souterraine. Elle donne nais­sance, au fil des siècles, à l’abbaye de Royaumont, et à Paris, au pont Neuf, aux places des Vosges et de la Concorde, aux Invalides et au palais Bourbon. Au XVIIe siècle, la pierre de l’Oise connaît son véritable essor, dû en partie à la fièvre constructrice qui s’empare de la couronne, mais aussi à la disparition progressive de la pierre de Paris.

Résistante aux intempéries et à l’ usure du temps, présente en grande quantité dans le gisement, facilement acheminable, elle est dé­sormais de tous les chantiers. Ce que nous appelons donc « pierre de taille » provient généralement de l’Oise – elle constituera aussi presque entièrement le Paris haussmannien. Au XIXe siècle, l’amélioration pro­gressive des outils permet d’extraire une pierre plus dure :  les carrières à ciel ouvert réapparaissent. Au XXe siècle, le béton, moins cher, vient la supplanter. De nos jours, seules huit carrières sont en activité dans l’Oise. Elles sont majoritaire­ment utilisées pour la restauration des monuments historiques mais s’exportent également à l’étranger, notamment aux États-Unis, sous le nom de pierre de Paris, l’appellation générique – et très réputée – des pierres calcaires du bassin parisien.

Aux sources de la restauration

Le travail de la pierre nécessite une grande délicatesse – un seul choc peut endommager un bloc -, une bonne expertise de ses propriétés, mais aussi une connaissance des édifices anciens. Comprendre la structure d’ un bâti­ment et intervenir dans le respect du bâti sont autant de savoir-faire néces­saires. La règle est simple: reprendre la même pierre que l’originale ou s’en rapprocher le plus possible, pour des raisons esthétiques et mécaniques. La couleur, la texture et le grain, la poro­sité, la dureté, la densité et la gélivité sont ainsi soigneusement étudiées afin de choisir la plus appropriée à la res­tauration. Les plus dures résistent le mieux aux intempéries (gel, pluie, neige) et sont utilisées pour les façades les plus exposées, tandis que les plus tendres sont réservées aux faces proté­gées ou à la sculpture d’ornements et aux intérieurs. L’appareilleur (le chef ouvrier dirigeant le travail des tail­leurs de pierre et des poseurs) et le carrier savent reconnaître la bonne pierre du premier coup d’œil : la sélec­tion des blocs est la première étape d’un chantier de restauration.

Règles, compas et outillage moderne

L’atelier de taille réceptionne ainsi la pierre des carrières : ce sont les blocs bruts qui vont être débités, c’est-à-dire découpés selon la fiche de débit établie par l’appareilleur. La pierre devient un bloc six faces. Deux techniques sont majoritairement utilisées pour la dé­coupe des blocs : la découpe au disque et la découpe au fil diamanté. Dans la première, un moteur actionne le disque doté de dents en diamant. Le tout est monté sur un équipement mo­bile, qui se déplace sur des rails et per­met d’obtenir des blocs parfaitement équarris. Dans la seconde, des perles de concrétion diamantées, maintenues entre elles par des spires métalliques, sont enfilées sur un câble porteur en acier de haute résistance, entraîné par un moteur actionnant un jeu de pou­lies dont une est motrice.

On trouve pour cette technique deux types de scie : celle à eau à fil diamanté et celle à eau circulaire. Le travail du tailleur débute toujours avec la règle et le com­pas. Il intervient à chaque étape de transformation de la pierre, depuis la réception du débit six faces jusqu’à la pose de la pierre taillée. Partant du bloc six faces, qu’il taille tout d’abord en parallélépipède parfait pour y poser le panneau de taille, c’est-à-dire le ga­barit aux cotes finales, il exécute toute moulure ou ornement géométrique ne nécessitant pas un travail approfondi de sculpture. Il taille le bloc en plu­sieurs étapes successives, à la précision croissante.

Le chantier de Notre-Dame, un nouveau défi

La société est très sollicitée (en moyenne 70 chantiers par an). Les travaux de pierre de taille, notamment dans le bâti ancien, ne manquent pas et, depuis 2021, H. Chevalier fait partie des entreprises sélectionnées pour le chantier de restauration de Notre-Dame de Paris. Après avoir pris part au dépoussiérage des parements intérieurs en pierre, elle a été mandatée pour l’opération de dessalement des voûtes, qui présentaient des efflorescences de sel dues à l’infiltration d’eau dans la cathédrale sinistrée. La société a également pris en charge le curage de l’ensemble des réseaux du monument avant leur remplacement et elle œuvre aujourd’hui au nettoyage et à la restauration des maçonneries intérieures, comprenant la nef, les transepts, le chœur et la sacristie, et les baies hautes. De quoi garantir encore de beaux jours à la pierre…

Restauration de l’Église Saint Augustin de Paris

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