L’Ukraine accélère l’effacement des monuments soviétiques

L’Ukraine accélère l’effacement des monuments soviétiques
, L’Ukraine accélère l’effacement des monuments soviétiques

Ukraine. Bien qu’il n’existe aucun inventaire complet, l’Ukraine comptait jusqu’en 1991, d’après les historiens ukrainiens, des milliers de monuments soviétiques. Rien qu’à Kiev on dénombrait des centaines de bustes de Lénine, de sculptures en hommage aux généraux vainqueurs des nazis, de bustes d’Alexandre Pouchkine ou de monuments célébrant l’amitié entre les peuples : l’URSS a inondé ses républiques de monuments officiels, dans une stratégie de contrôle du récit national. La chercheuse Edyta Bojanowska, de l’université Yale (New Haven, Connecticut), souligne, dans le Washington Post (mai 2023) que « la saturation du paysage urbain ukrainien avec des statues d’écrivains russes fait partie de l’héritage impérialiste de la Russie ». Elle rappelle que Pouchkine a servi dans ses œuvres l’impérialisme des tsars, et que ses textes sont depuis longtemps instrumentalisés par le pouvoir russe, Poutine compris. Un article publié en mai dernier, dans la revue scientifique The Historic Environment, signé de l’archéologue britannique Mark Dunkley évoque par ailleurs « la sacralisation de la victoire de l’URSS sur les nazis » dans la politique mémorielle russe, sacralisation qui explique certaines réactions paradoxales en Ukraine. Ainsi, d’après un sondage de 2022 relayé par le site d’information indépendant Ukrainer, 70 % des Ukrainiens sont pour le démantèlement des sites associés à la Russie, mais pas de ceux commémorant la victoire sur les nazis, notamment parmi les Ukrainiens les plus âgés. Exemple à Kharkiv où les habitants russophones ont vivement protesté lorsque la municipalité a démonté en 2022 des monuments liés à la Seconde Guerre mondiale.

« Dérussifier » les monuments publics

Ces traces du passé sont devenues problématiques depuis février 2022 et le début de l’invasion russe, et il n’y a pas de véritable coordination pour les démanteler. Il existe ainsi une chaîne Telegram ukrainienne appelée « Decolonize Ukraine », dont les membres militent pour l’effacement de tous les sites soviétiques d’Ukraine. Agissant souvent de nuit, ses membres s’en sont pris depuis un an à des statues installées à Lviv, Chernihiv et Cherkasy. Ces actes de vandalisme sont rarement poursuivis en justice, d’autant que plusieurs élus locaux ont entrepris de démanteler ces mêmes monuments. Ainsi dans la ville de Stryï (près de Lviv) le maire a-t-il déclaré en avril 2022 : « Nous ne laisserons aucune trace du régime communiste ». C’était quelques jours après un appel du ministre de la Culture, Oleksandr Tkachenko, à « ne pas vandaliser » le patrimoine soviétique. En réalité, il n’est pas illégal de s’attaquer à ces monuments, car une loi votée en mai 2015 empêche la « promotion des symboles des régimes totalitaires communiste et nazi ». Cette loi, qui faisait suite à l’invasion puis l’annexion de la Crimée par la Russie, exclut cependant les monuments de la Seconde Guerre mondiale. En théorie, n’importe qui peut « dérussifier » les monuments publics en Ukraine, puisque c’est le terme officiel. Depuis 2015, près de 2 400 monuments communistes auraient été démantelés ou détruits selon l’Institut pour la mémoire nationale d’Ukraine ; le mouvement actuel n’est donc pas nouveau et remonte même à 1991 (lire l’encadré ci-dessous).

Plusieurs questions demeurent : que faire des monuments démantelés ? Les exposer dans un musée, les détruire ? Car certaines sculptures sur ces monuments sont des chefs-d’œuvre, issus de commandes passées aux grands artistes de l’époque. Les historiens de l’art citent ainsi la statue du commandant Mykola Shchors, héros de la guerre civile (1918-1919), une statue équestre exceptionnelle qui a été recouverte de graffitis et sert de point de ralliement à Kiev pour les partisans de la dérussification. D’autres pays sont confrontés à ces mêmes questions, tels la Pologne et les pays Baltes qui n’ont pas attendu 2022 pour s’attaquer au passé soviétique. Après une première vague en 1990 et 1991, la Pologne a ainsi voté une loi en 2017 pour effacer les traces des « régimes totalitaires » et elle a détruit plusieurs mémoriaux soviétiques érigés en 1945, provoquant la colère de la Russie. L’Institut de la mémoire nationale, organisme incontournable en Pologne pour les politiques mémorielles, a soutenu ces destructions. En Hongrie, les monuments et sculptures soviétiques ont été déplacés dans un parc public, et en Lituanie ils sont exposés dans un musée spécifique à la suite du vote d’une loi de « dérussification ». Mais déjà en 2007 le gouvernement avait transféré le célèbre « soldat de bronze » vers un cimetière militaire, entraînant des émeutes parmi la minorité russe. La question des dépouilles de militaires enterrées sous certains monuments soviétiques de 1945 reste sensible. En Lettonie, où une loi similaire a été adoptée, la destruction partielle en août 2022 d’un monument commémorant la victoire de 1945 a encore accru les tensions avec la Russie. Malgré des menaces de représailles, celle-ci n’a jusqu’à présent réagi qu’à travers des actions symboliques, comme recréer en Russie des monuments détruits en Ukraine et en Moldavie.

La chute de l’URSS et l’oblitération du patrimoine communiste  

En août 1991, le conseil local de Kiev a ordonné l’enlèvement de tous les monuments communistes de la ville, dont le monument de Lénine érigé en 1977 sur la place de la Révolution-d’Octobre (devenue la place « Maïdan » en 2013). Ce sont des milliers de statues de Lénine que les Ukrainiens ont abattues à cette époque, lors d’une « vague d’iconoclasme », rappelle l’archéologue Mark Dunkley dans The Historic Environment. À Lviv, la statue de Lénine a été retirée dès 1990, comme à Ivano-Frankivsk ou Loutsk. Selon Mark Dunkley, la Russie avait conclu des accords avec les anciennes républiques de l’URSS pour garantir l’entretien des sites mémoriels, menaçant de trois ans de prison les auteurs de destructions. Ces peines n’ont jamais été requises, et, hormis en Crimée et dans le Donbass, sous occupation russe depuis 2014, il ne reste aujourd’hui en Ukraine plus aucune statue de Lénine.

 

Olympe Lemut

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