LETTRE DE MEXICO
Sur le Paseo de la Reforma, la plus riche avenue du centre de Mexico bordée de larges trottoirs et de palmiers, trônent des piédestaux qui portent désormais des numéros précédés du signe « + ». Un touriste américain qui sort de son ambassade ne comprend pas ce « + 72 », avec les inscriptions « Migrer est un droit humain », « Personne n’est illégal », installé sur le trottoir juste en face de l’imposant bâtiment. Un Mexicain sait d’emblée qu’il s’agit des 72 migrants assassinés dans l’Etat frontalier du Tamaulipas en 2010.
A 500 mètres de là, devant la Bourse de Mexico, le « + 65 » représente les 65 mineurs morts dans l’explosion d’une mine de charbon en 2006. « Plus de 3 000 mineurs sont morts dans les mines de charbon au Mexique » est gravé au-dessus du signe « + », qui est là pour symboliser à chaque fois les autres victimes de ces mêmes tragédies. Au bout de l’avenue, le « + 49 » avec les lettres « ABC » symbolise les 49 bébés morts dans l’incendie de la crèche ABC à Hermosillo, dans le nord-ouest du pays, en 2009. Il est installé face à l’édifice de la sécurité sociale, qui est chargée de veiller à la sécurité des crèches, quand celle de l’ABC ne respectait aucune norme.
Derrière ces chiffres, le mouvement Anti-monument, né de la volonté des proches des victimes de graver sur la prestigieuse avenue un symbole de ces crimes qui sont tous restés impunis. « Au Mexique, les proches des victimes ont peu d’espaces pour exprimer leur douleur et réclamer justice. Face aux monuments officiels installés par l’Etat, les “anti-monuments” dénoncent l’inaction et le manque d’empathie de l’Etat », écrivent les anthropologues Alfonso Diaz Tovar et Lilian Paola Ovalle dans leur analyse « Antimonumentos. Espacio publico, memoria y duelo social en Mexico », Memoria academica, 2018 (« Anti-monuments, espace public, mémoire et deuil social au Mexique », non traduit).
« Qu’on nous les rende vivants »
Les premiers à avoir lancé le mouvement en 2015 sont les parents des 43 étudiants d’Ayotzinapa, disparus en 2014. Leur « + 43 », au début de l’avenue Reforma porte l’inscription de la devise, si souvent criée en manifestation au Mexique : « Vivos se los llevaron, vivos los queremos » (« Ils les ont emmenés vivants, qu’on nous les rende vivants »). Dans un communiqué, les parents des étudiants affirment que « l’anti-monument “+ 43” est une protestation permanente, une revendication de justice envers l’Etat qui veut oublier – et veut que nous oubliions – la terrible réalité de la violence quotidienne ».
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