Jean-Christophe Sounalet
À Saint-Genis-de-Saintonge, le maire Jacky Quesson a mis la main sur des documents jaunis. C’est un pur hasard. Sous la grande table en bois massif de la salle du conseil, se cachaient des bons de sucre de la Seconde Guerre mondiale, des actes des élections sénatoriales de 1921 et, au milieu, des esquisses de monuments aux morts de 1920. Il suffisait d’ouvrir le tiroir. On découvre des devis de marbriers, des formes d’édifices totalement différentes, avec des prix allant du simple au double en fonction de la taille et de la matière première. Il y a en a des dizaines, preuve que l’enjeu mémoriel était devenu un commerce particulièrement rentable.
Jean-Christophe Sounalet
19 800 anciens francs
Sous forme de catalogue, les monuments aux morts sont présentés aux clients. Il y a l’embarras du choix. Du traditionnel obélisque nu à l’arc de triomphe de cinq mètres de haut. Après le conflit, l’argent reste le nerf de la guerre. Les petites communes font le choix de l’économie. Saint-Genis n’y échappe pas. Le conseil municipal choisira un obélisque en granit surmonté d’un coq gaulois en bronze, symbole national, écrasant un casque allemand. Simple et efficace. Il a coûté 19 800 anciens francs, ce qui équivaut à environ 20 000 euros aujourd’hui. « Il paraît évident que le plus simple a été choisi pour des raisons financières », constate le gardien des comptes publics. En 1919, le principe d’une subvention publique était fixé « en proportion des sacrifices consentis », c’est-à-dire du nombre de morts.
Jean-Christophe Sounalet
Les entrepreneurs-marbriers qui ont envoyé leurs catalogues à Saint-Genis viennent de Paris, des Hauts-de-France. Ainsi, la marbrerie Gourdon propose « un socle en granit taillé, un panneau en face poli avec inscription de la dédicace, des panneaux de marbre sur les côtés avec inscription des 41 morts en lettres gravées et dorées ». S’il est décidé d’ajouter « la statue du Poilu de 2,10 mètres de hauteur totale en marbre blanc de Carrare », le prix monte à 22 800 anciens francs. Rien n’est cadeau. Du côté de la marbrerie Rombaux-Roland, on précise que chaque lettre gravée coûtera 1,80 franc, et que pour tout signe de plus grande hauteur, il faudra ajouter 0,25 centime par centimètre supplémentaire.
Jean-Christophe Sounalet
Un monument sacré
Presque 100 ans plus tard, le monument aux morts de Saint-Genis est toujours debout. En 1998, Jacky Quesson a touché, sans le savoir, à un point sensible. « Depuis son érection, il se trouvait au bord de la RN 137. Les cérémonies du 11 Novembre étaient compliquées à organiser, dangereuses et bruyantes. Chaque jour, 7 000 véhicules traversent le bourg, 1 200 camions dont 150 convois exceptionnels. On n’entendait rien. Le conseil municipal a alors décidé de le déplacer à 20 mètres, à côté de l’église. Ça n’a pas fait plaisir à tout le monde. On s’est rendu compte que le sujet était hyper délicat. On touchait à quelque chose de sacré. »
Jean-Christophe Sounalet
Chaque année, pour le 11 Novembre, Jacky Quesson se félicite de voir qu’entre 150 et 200 personnes de Saint-Genis viennent rendre hommage aux soldats morts pendant la Grande Guerre. Le nouveau lieu est adopté. La seule qui a réussi à faire vaciller le monument aux morts est la tempête de 1999. Le coq avait été arraché.
Jean-Christophe Sounalet
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